Pourquoi je ne supporte pas les câlins ?
J'étais sans doute âgée de moins de 6 ans, quand on m'a inscrite à des cours de danse, du rock. Pourquoi le rock alors que j'avais pourtant lu et relu Martine, petit rat de l'opéra ? Bonne question. Toujours est-il qu'au bout d'un cours seulement j'ai voulu arrêter. Quand on m'a demandé pourquoi, j'ai simplement répondu : "Parce qu'on doit se tenir par la main. J'aime pas" 😅. D'un cours de danse à deux, durant lequel on devait se toucher, je suis donc partie vers la danse classique, là où seul un justaucorps pourrait me toucher !
Une danse où l'on est obligé de se toucher, non merci, très peu pour moi !
Le contact physique avec les autres ne se fait pas toujours simplement. Certains sont naturellement portés vers la recherche d'affection. Ils demandent et distribuent des bisous et des câlins à tour de bras, cela fait partie de leur langage de l'amour. D'autres ont besoin de plus d'espace et de moins de contact et ce, parfois, dès la petite enfance.
Est-ce normal de ne pas aimer les câlins ?
Mais alors, qui sont ces anti-câlins, ces “non-tactiles” ? Évidemment, quand je parle du corps comme d'un temple intouchable, j'emploie un ton volontairement provocant, parce que souvent, il suffit qu'une personne dise qu'elle n'est pas très tactile pour être taxée de snobisme.
Sauf que bien souvent, c'est un peu plus compliqué que ça. Le rejet des contacts physiques peut faire partie de la personnalité. Dès l'enfance, certains n'ont pas autant besoin que d'autres d'affection physique, sont dérangés par les câlins, ont besoin de faire respecter leur espace personnel et se contentent de mots et de présence.
Le câlin, une expérience qui se transmet
Pourquoi certaines personnes sont très tactiles alors que d'autres sont obligées de serrer les dents très fort quand on leur impose un câlin ? Une étude, des chercheurs Lena M. Forsell et Jan A. Åström, tend à expliquer que ça viendrait tout simplement de ce qu'on a connu au sein de notre famille.
🫂 Si vous avez grandi dans un foyer câlineur, il y a fort à parier que vous n'avez aucun problème à prendre les autres dans vos bras, à les toucher et à les embrasser. Pour ceux dont les contacts physiques familiaux étaient peu présents, voire inexistants, ils sont évidemment plus réticents. Le constat paraît simple : on vous a câliné, vous câlinerez et inversement. |
Cependant, pour certains la réaction est inverse, comme l'explique la psychologue, Nathalie Giraud. Une personne qui a manqué d'affection dans son enfance peut chercher à combler ce manque en étreignant tout son entourage. Un enfant peu enclin aux démonstrations physiques d'affection, mais qui n'aurait pas osé dire non aux bisous et aux câlins, peut, à l'âge adulte, ne plus supporter qu'on le touche 🤐.
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Le corps a un passé
Quoi qu'il en soit, que l'on aime ou pas les contacts physiques, pour les psychanalystes, tout est lié au passé. En effet, le corps est bien souvent le siège de notre mémoire, de notre histoire et de notre passé. Une cicatrice par-ci, le nez d'un aïeul par-là, une maladie de peau qui ne nous lâche pas et ce, sans compter, tout ce qui n'est plus visible. Les claques, les bisous volés, les mains lâchées, les épaules agrippées et les joues qui rougissent. Tous ces gestes, tous ces événements, liés à notre corps, l'ont imprégné, alors, pour certains, se laisser toucher, c'est se dévoiler et ou revenir sur un passé, que l'on cherche à oublier.
Et puis, avec cette impression de lever le voile, se pose aussi la question de la confiance en soi, de l'amour que l'on porte ou non. Est-ce que l'on aime notre corps, notre personnalité assez, pour laisser les autres nous toucher ? Les chercheuses en psychologie, Anita Barbee et Terri Orbuch, expliquent que les individus ayant une image positive d'eux-mêmes et des expériences passées saines avec le toucher sont plus susceptibles d'être à l'aise avec les contacts physiques. L'inverse se vérifie, aussi, comme pour moi :
💬 Lorsque j'avais des épisodes assez douloureux et surtout très visible de rosacé, localisée sur les joues, je ne pouvais pas supporter que l'on me fasse la bise, mais je craignais aussi que l'on me prenne dans ses bras. |
L'haptophobie : quand le toucher devient une peur
Dans certains cas plus extrêmes, le contact physique peut être carrément la source d'une véritable angoisse et d'une peur que l'on appelle l'haptophobie. Cette peur du contact avec le corps d'autrui et, parfois même, de son propre corps trouve généralement sa source dans des événements traumatisants liés au corps, tels que des abus sexuels ou des humiliations corporelles durant l'enfance 😥. La personne atteinte d'haptophobie est souvent en retrait, développe une grande timidité, voire une anxiété sociale et fuit donc les lieux bondés où le risque de contacts est multiplié. Elle évite, de fait, toute forme d'engagement qui pourrait conduire à un contact : l'amitié, l'amour, le sexe.
Il arrive d'ailleurs que cette phobie soit liée à la gymnophobie, la peur de la nudité. Toucher, embrasser ou étreindre un haptophobe peut générer des trous noirs, une impression de suffocation et des crises de panique. Comme de nombreuses phobies, celle-ci peut se soigner par une thérapie cognitive, par la thérapie EMDR ou grâce à l'hypnose.
On touche avec les yeux : voir et décrypter avant de toucher
J'aurais envie de conclure en écrivant un énorme : SI JE NE T'AIME PAS, TU NE ME TOUCHES PAS ! Ce qui résume assez bien ma philosophie du contact physique. Si tu sais que je t'aime bien, alors tu peux me faire la bise, m'attraper par les épaules et éventuellement me faire un câlin. Malheureusement, je n'ai pas cette phrase tatouée sur le front et nombreux sont ceux qui ne savent pas toujours capter les signaux corporels (et je ne parle même pas des frotteurs et autres harceleurs de rue 😭).
Non, je pense par exemple, à cette collègue, extrêmement sympathique au demeurant, qui adorait montrer sa joie et son affection en me prenant dans ses bras au beau milieu de l'open space, pendant que je demeurais choquée, immobile et raide comme toute introvertie qui se respecte 😅 !
Vous le voyez le regard qui crie : sortez-moi de là !
Alors, pour que chacun vive en harmonie, le consentement doit être placé au centre. On peut commencer par adopter la distance de sécurité idéale pour chaque interaction sociale (la fameuse proxémie), afin que tout le monde se sente à l'aise. Ensuite, si contact il doit y avoir, on l'adapte en fonction de la personne et de ce qu'on sait d'elle. Il est évident qu'on ne caline pas sa manager comme sa meilleure amie (sauf si c'est la même personne 🤔). On ne force pas non plus une personne que l'on sait réticente aux contacts physiques. Il est nécessaire de demander le consentement à chaque fois !
Dans l'idéal, personne ne devrait jamais se sentir obligé de participer à un contact physique, qu'il s'agisse d'une bise, de se faire attraper le bras, ou encore prendre par la main. Si ça arrive, osez dire non et en cas de malaise, n'en faites pas un drame. Les relations humaines sont faites de beautés et d'erreurs. S'il est bien donné et bien reçu, le câlin a d'incroyables pouvoirs alors, on compte sur les uns pour nous le rappeler, et sur les autres pour apprendre à lâcher prise et à se glisser, de temps en temps, dans une étreinte réconfortante.
L'avis de la rédaction : le respect de chacun·eNous sommes tous·tes plus ou moins tactile··s, câlin·e·s en fonction de nos personnalités et de nos vécus. Comme le rappelle Lauriane, ce qui compte, c'est le respect de l'autre. Il faut apprendre à lire le non verbal, un corps qui se raidit à votre approche ? Un léger mouvement de recul ? N'allez pas plus loin ! Si ces marques d'affection vous mettent particulièrement mal à l'aise et nuisent à vos relations, n'attendez pas pour prendre rendez-vous avec un psychologue. Ensemble, vous pourrez comprendre d'où vient ce comportement et comment mettre en place de nouvelles habitudes qui vous rendront plus heureuse. 🤗 Se comprendre, s'accepter, être heureuse... C'est ici et maintenant ! #BornToBeMe Contacter un psychologue |
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Sources : "Meanings of Hugging: From Greeting Behavior to Touching Implications" de Lena M. Forsell et Jan A. Åström // "Social Psychology: Goals in Interaction" Barbee, A. P. et Orbuch, T. L.