Comment nous sommes nous rendu compte de ce phénomène ?
C’est grâce au travail clinique. Psychologues, addictologues et médecins se sont rendus compte que, de plus en plus de leurs patients venaient chercher de l’aide par rapport à une consommation excessive de sucre. Et puis il y a également l’émergence de l’obésité, du surpoids, du diabète, qui fait s’alarmer nombre de médecins et de psychologues autour de la question du sucre, de sa place dans notre société, dans notre alimentation et dans les produits de consommation.
Comment devenons-nous accro au sucre ?
C’est un peu comme toutes les drogues, la consommation au départ donne l’impression d’être maîtrisée, même contrôlée, et la personne se dit : “quand j’en prends, je suis bien, cela me fait plaisir.” C’est alors que la mécanique de l’addiction se met en place. La personne se rend compte que si elle n’en a pas, elle n’est pas bien. C’est là que l’on rentre pleinement dans le domaine de la dépendance avec en plus, concernant le sucre, un aspect compulsif.
🍭🍬 Cela donne lieu à des “crises de sucre” où l’on consomme de grandes quantités de bonbons, chocolats, gâteaux… Ce côté compulsif se traduit par le schéma suivant : “j’aimerais ne plus le faire mais de temps en temps ça me prend et c’est plus fort que moi.” Donc si ce n’est pas une dépendance à une drogue à proprement parler, ça y ressemble !
Connaissons-nous le pourcentage de la population addict au sucre ?
On peut se référer aux chiffres du surpoids et de l’obésité. Aujourd’hui il y a plus de 20% de français qui souffrent d’obésité, c’est une maladie et un problème de santé publique. Et plus d’un français sur deux est en surpoids. Le sucre est très très calorique, cela se mange sans faim. Il est donc facile d’imaginer que le sucre a une part non négligeable en termes de responsabilité dans ces statistiques.
Cet amour pour le sucré est-il inné ?
Il ne faut pas se mentir, c’est inné. Nos ancêtres étaient chasseurs - cueilleurs et les mammifères que nous sommes, de la famille des grands singes précisément, ont un problème unique dans le fond : manger pour survivre. Le sucre a la caractéristique d'être très calorique. Nous sommes fabriqués de telle sorte que dès qu’il y a quelque chose de sucré quelque part, on se jette dessus et on en consomme tant qu’il en reste. Ce comportement était très utile il y a 300 000 ans à l’époque où la révolution agricole n’existait pas encore. Mais aujourd’hui avec l’abondance que l’on connaît sur l’agroalimentaire, cela devient problématique.
Il y a des personnes qui dès qu’elles appuient sur l’accélérateur de la consommation de sucre ne trouvent plus le frein. Et ça c’est un fait, c’est un peu inné. Prenons le cas des nourrissons qui reçoivent un soin. Les médecins, avant un geste douloureux comme une prise de sang, leur font boire du glucose car cela leur provoque une décharge de dopamine, l’hormone du plaisir. Le nourrisson ne ressent alors pas la douleur, car son cerveau nage dans le bonheur ! Nous sommes programmés pour être addict au sucre.
Le sucre calme t-il réellement nos angoisses ?
🧠 Oui et non… Oui, dans la mesure où effectivement il y a cette décharge biochimique qui fait que l’on va percevoir un shot de dopamine dans le cerveau. Et non car, passé le shot, l’angoisse va revenir. C’est le piège du sucre et de toutes les drogues. C’est une illusion chimique.
Le système dopamine - énergie se fatigue, il ne dure pas. C’est le principe du pot de glace. La première cuillère est très agréable et au fur et à mesure que l’on en consomme le plaisir n’est plus le même et perd tout intérêt. Mais comme l’accélérateur du sucre est enclenché, on ne trouve plus le frein. Le frein c’est quand le pot est vide. Avec en plus dans le cas du sucre, la double peine : les angoisses sont toujours là et le nombre de kilos grimpent sur la balance !
Peut-on se désaccoutumer du sucre ? Si oui comment ?
Évidemment oui, on peut se désaccoutumer du sucre. Il faut accepter que cela passe par une période de détox. Une période “sugar free”. C’est le principe de toutes les drogues. Les drogues licites ou illicites ne sont pas faites pour la modération. Cela passe donc par une période détox qui fait le plus grand bien au corps et à la tête.
Très souvent, la personne à la sortie de cette période détox, dit que cela ne lui fait plus rien. Et puis quand elle veut prendre le risque (on parle de risque car elle a été accro au sucre) de réintroduire le produit sucré dans sa vie, il faut alors qu’elle se pose bien la question de la forme : un fruit ? Ou moins raisonnable : une crème glacée ? La circonstance, la fréquence…
Il est possible de retrouver une consommation très maîtrisée et qui permet quand même de bien vivre sa vie, car on vit mieux, rappelons-le, sans drogue. Encore une fois pour les drogues illicites la question ne se pose pas, mais même pour les drogues en vente libre comme l’alcool, le tabac ou le sucre, si tant est que ce soit un jour défini comme une drogue par la science, la vie est meilleure sans drogue bien évidemment !
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